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EXPOSITION

FÉLIX FÉNÉON
« DU COMPAGNON ÉLIE À FÉLIX FÉNÉON » 
correspondances, livres et documents

du 29 octobre au 15 novembre 2019
vernissage le lundi 28 octobre 2019 à partir de 18H

lecture par jacques bonnaffé de "nouvelles en trois lignes"

à l’occasion de la publication de la Correspondance Félix Fénéon-John Rewald et du Petit supplément aux Œuvres-plus-que complètes Vol. 3


FÉLIXFÉNÉON
(1861-1944)


En 1906, le très singulier Félix Fénéon quitte Le Figaro pour Le Matin, et y contribue à sa manière à la rubrique existante des Nouvelles en trois lignes. Il n’a alors publié qu’une mince plaquette Les Impressionnistes, en 1886, et traduit deux volumes de Jane Austen et Dostoïevski.
Son roman La Muselée, annoncé dans La Libre Revue en 1883, n’est lui jamais paru.
L’importance de Félix Fénéon, son rayonnement, son influence et sa stature critique se fondent sur ses engagements dans le monde des revues qui occupent une place essentielle dans la vie politique, littéraire et artistique, de 1880 jusqu’en 1925.
Fondateur et secrétaire de rédaction de La Libre Revue, il participe à la création de La Revue Indépendante, il est l’un des principaux rédacteurs de La Vogue et collabore à La Plume, L’Art Moderne de Bruxelles, La Revue Moderniste, La Cravache, aux Entretiens politiques et littéraires, au Chat Noir...
Félix Fénéon, dès 1886, est sympathisant du mouvement anarchiste. Il est d’ailleurs accusé d’être l’auteur d’un attentat contre le restaurant Foyot, le 4 avril 1894. Une perquisition à son domicile et à son bureau au ministère de la Guerre, a permis de découvrir du matériel (du mercure et des détonateurs) qui, selon l’accusation, aurait pu permettre de fabriquer une bombe. Il fait partie des accusés lors du Procès des Trente en août 1894. De nombreux artistes et écrivains, notamment Stéphane Mallarmé et Octave Mirbeau, prennent sa défense, et viennent témoigner en sa faveur, tandis que Fénéon se paie le luxe de s’amuser aux dépens des magistrats par ses réparties piquantes.

— F.F. : Je ne lance de bombes, que littéraires…
— Le Président : On a trouvé dans votre bureau des détonateurs. D’où venaient-ils ?
— F.F. : Mon père les avait ramassés dans la rue.
— Le Président : Comment expliquez-vous que l’on trouve des détonateurs dans la rue ?
— F.F. : Le juge d’instruction m’a demandé pourquoi je ne les avais pas jetés par la fenêtre avant de les emporter au ministère. Vous voyez que l’on peut les trouver dans la rue…

Acquitté, il quitte son poste de rédacteur au ministère de la guerre et est embauché par les frères Natanson, directeurs de La Revue Blanche, dont il devient secrétaire de rédaction puis rédacteur en chef de 1896 à 1903.

Son oeuvre est là, dans ces innombrables articles, bulletins, comptes rendus, enquêtes et reportages, avis et catalogues, notes, notices, notules, critiques d’art et de littérature.
Critique littéraire, il publie les Illuminations et Une Saison en enfer de Rimbaud, ainsi que Laforgue, Mallarmé, Villiers de l’Isle-Adam, Verlaine, Jarry, Huysmans, Mirbeau, Verhaeren, Tristan Bernard, il fait connaître Arhur Symons, Tolstoï, Strindberg, Gorki, Ibsen, Joyce, Jerome K. Jerome, et traduit Jane Austin, Dostoievski et Edgar Poe.
Critique d’art il défend Toulouse-Lautrec, Bonnard, Pissaro, Signac, Matisse, Van Dongen, Vallotton, Marquet, Denis, Vuillard… et Seurat.

NOUVELLES EN TROIS LIGNES

La rubrique intitulée Nouvelles en trois lignes était constituée de dépêches de dernière minute reçues au journal Le Matin, publiées sous formes de « brèves » dans les pages intérieures du quotidien. Ces « nouvelles » étaient divisées en sous-sections en fonction de leur provenance géographique (banlieue parisienne, départements, étranger), et portaient tant sur les faits divers que sur les flux de marchés financiers ou sur le commerce maritime. Le quotidien pouvait ainsi se vanter d'être le seul journal français de l'époque à pouvoir faire bénéficier ses lecteurs des dépêches reçues par fils spéciaux du monde entier.
C'est dans ce cadre qu'à partir de mai 1906, entre deux dépêches anodines, les lecteurs du Matin pouvaient en découvrir d'autres, également authentiques, rédigées anonymement par Félix Fénéon.
Mais loin de se contenter de rapporter des faits divers de la façon la plus ramassée possible, Fénéon imagina pour les « nouvelles en trois lignes » qu'il rédigea de mettre à leur service toutes les ressources de la rhétorique, d'en peaufiner le rythme et la prosodie afin de les transformer – selon certains – en autant de haïkus modernes.
Il trouvait sa matière première dans le rebut des journaux, ce qui semblait insignifiant, d’une médiocrité crasse. Chez cet orfèvre de l’ellipse assassine et de la perfection procédurale, un adultère, un crime de domestique, une rixe, une beuverie, une malversation financière, tout était prétexte à l’enchantement.

« Par étourderie, M. Vossel, employé à la sous-préfecture de Wassy, a tué d’un coup de fusil M. Champenois, fermier. »
« Jugeant sa fille (19 ans) trop peu austère, l’horloger stéphanois Jallat l’a tuée. Il est vrai qu’il lui reste onze autres enfants. »

La dinguerie n’est jamais loin, elle suinte derrière chaque ligne. Entre Pierre Dac et Topor, le comique voisine avec l’horreur. Doit-on en rire ou en pleurer ? Tout l’art de Fénéon réside dans ces interstices abyssaux.
Félix Fénéon, esprit libre avec cet air froid qui semble venir de l’inébranlable résolution de ne pas être ému (Baudelaire), cisèle ses récits qui dépassent le cadre du journalisme pour retrouver la tradition de la maxime morale, de l’aphorisme et de la sentence. De ces faits divers, il joue du potentiel fictionnel et fait à la fois un roman ou un poème, synopsis d’un drame Shakespearien, d’une tragédie grecque. Un jeu littéraire exemplaire.

 

Portrait de Félix Fénéon pris peu après son arrestation, soupçonné d'être l'auteur d'un attentat anarchiste, en avril 1894

 

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contact : Juliette Gourlat
j.gourlat@ruevisconti-editions.com

Mise à jour le 12.11.2019 © 2015 Juliette Gourlat